Erreur. Un de tes colis, celui d’Amazon a été livré à l’adresse de tes parents. Terminant ton cours de cinéma sur Princeton en milieu d’après-midi, tu préviens ta soeur que tu vas voir vos vieux pour récupérer ta marchandise. S’ils pouvaient être absents, ça t’arrangerait. Depuis que t’es rentrée de la Côte Ouest où tu t’es plantée en beauté auprès de ce type, t’as tout fait pour les éviter. S’ils savaient que t’avais fini en fauteuil roulant durant des mois au bout du pays, tu finirais probablement interné ou enfermé dans le grenier. Et tout le monde sait que le grenier des Clerembault est habité par un drôle de fantôme. Combien de fois tu t’es inventé des histoires avec ton jumeau. Le plancher du dessus qui craquait, vous étiez persuadés que quelqu’un vivait là-haut. Bref, pour une fois que la chance est avec toi, pas de parents à l’horizon après ton voyage dans ta Mercedes. Récupération du colis, coup d’oeil à ta chambre de gosse qui n’a pas bougé et tu laisses un mot sur le frigo avant de repartir vers le campus. La nuit tombe. Ta playlist tourne dans l’habitacle. Isolée par ta carrosserie du monde extérieur, tu finis par réintégrer ce dernier dans ton univers en ouvrant ta fenêtre. La clope qui se consume entre tes doigts ou au bout de tes lèvres, tu lâches les cendres sur le bitume en entrant sur Princeton. Les rues sont bouchonnées et comme tu es impatiente, tu braques sèchement ton volant pour emprunter un raccourci indiqué par la voix du gps surplombant la musique. La fatigue t’assiège. Ton corps se ramolli, tes réflexes s’amenuisent. Et soudain, une silhouette déboule devant le capot. La pédale de frein touchant le sol, l’homme est tout de même bousculé par ta calandre carnivore. Plus personne. Il a disparu. Probablement sous tes pneus, à l’agonie. Estomaquée par le choc, tu mets presque une minute à décoller de ton siège pour découvrir l’individu geignant à terre. « C’est de votre faute. On traverse sur les passages piétons monsieur ! » Restant à distance, terrifiée qu’il te lâche ici même, tu t’approches finalement vers lui avec prudence. Tu appuies ensuite le bout de ta bottine sur son torse pour le maintenir éveillé. « Rien de cassé ? Vous voulez aller faire une radio ? » -@Christopher Hopkins

Un rien, c’était ce qui me ramenait encore là. Possiblement rien en fait. Mais peut-être tout à la fois. J’avais aucun job en cours, je pouvais me terrer où je voulais. Princeton n’était pas si loin de New York, mais avait cette mauvaise chance d’être dans le New Jersey. Tant pis, c’est pas grave. Je me devais de revenir, pour voir ce qui s’y passait, pour trouver une occupation le temps de trouver autre chose, que ce soit sur New York ou ailleurs. Je me fichais pas mal de ce que l’avenir pouvait me réserver, tant que je pouvais profiter. C’était bien ce que je faisais ce soir, dans ce club de strip tease. En vrai, je n’avais pas énormément d’argent alors je le plaçais scrupuleusement dans les culottes des danseuses exotiques, sans trop me lâcher. Après tout, ce genre de plaisir était agréable quand on se rendait pas compte en sortant qu’on était fauché. Par contre, le truc assez cool, c’était le buffet à volonté. Au moins, j’en ai pour ma faim. Seulement, estomac trop rempli signifie état un peu trop végétatif. C’était ce qui se passait quand je sortais du club. Un bâillement, une seconde d’inattention et une voiture qui fonce directement sur moi. Un crissement se faisait entendre, mais le frein n’avait pas été suffisant. J’suis touché, à terre, agonisant sur le sol trempé. En boule, je me mettais sur le côté avant d’entendre une voix féminine accusatrice - un peu trop à mon goût d’ailleurs. - J’traversais pas, je baillais ! m’exclamais-je un peu trop vivement, me faisant grimacer aussitôt. Puis son pied se posait sur mon torse, comme si j’avais la polio ou je ne sais quoi. - Non c’est bon, ça ira Pas envie de me prendre une facture à $100,000 non plus, à cause d’elle. Je me relève doucement, afin d’être face à sa silhouette, avec une vision plus claire de qui elle était. Enfin plus ou moins, de ce que je pouvais voir dans la pénombre, avec les quelques faisceaux lumineux autour de nous. - Vous auriez pu me tuer en fait Comme une petite conclusion de tout ça.

Un cri d’effroi qui tarde. De l’adrénaline qui ne se libère pas. Tes réactions sont limitées pour la situation. T’as percuté un piéton et le seul truc que tu trouves à lui balancer, ce sont des réprimandes. Parce que c’est bien connu, ce n’est jamais de la faute de Monroe. Monroe est innocente en tout temps. Balivernes. Tu l’as vu, mais bien trop tard. Et puis merde, il ne semble pas mal-voyant ce type, il aurait pu regarder à droite et à gauche avant de traverser. Ce sont des règles élémentaires. Est-il au moins aller à l’école ? Pas sûr. En tournant la tête, ton regard croise l’enseigne d’un club rabaissant la femme. Il sortait donc de là ? Moue écoeurée, tu prends tout de même de ses nouvelles pour éviter l’homicide involontaire s’il venait à décéder sous ta semelle. Pas d’hosto en vue, bonne nouvelle. Percevant du mouvement, tu t’écartes un peu le temps qu’il se relève du bitume humide. Ok, ta voiture a bon goût. Elle a percuté un brun ténébreux avec une tête à claque comme tu les aimes. Ce type de tête à claque qui t’a valu des peines de coeur terribles. « J’imagine. La mort frappe n’importe quand. J’pourrais me faire foudroyer maintenant vous savez » Sous ces mots, tu lèves tes prunelles embuées à cause du froid qui sévit. Le ciel est clair. Pas d’orage à l’horizon. « En même temps, si vous sortiez de cet endroit, je comprends que vous soyez encore dans les nuages » Pointant la boîte du doigt, tes expressions toutes entières montrent à quel point tu le juges. Ah bah oui, si tu l’avais croisé ailleurs, loin d’un de ces lieux, t’aurais clairement eu une toute autre image de lui. « C’est étrange, j’ai l’impression de vous avoir déjà croisé .. »

C’était pas vraiment le genre d’événement que je souhaitais avoir en sortant de cet établissement. Mais force est que de constater que c’était bel et bien ce qui m’était arrivé, surtout à cause de cette fille qui mettait dix plombes à savoir si j’étais vivant ou mort. Soupirant, ça faisait mal tout ça et j’étais pas prêt à me remettre dans le bain de la vie après avoir presque appelé la faucheuse à ma rescousse. - Hâte de voir ça Elle était désagréable, vraiment pas le genre de nana que je kiffe. Dans le jugement et surtout, à me prendre de haut, je pense que ça peut devenir plus que conflictuel cette histoire. - L’endroit d’où je viens n’a rien à voir, et ça ne vous regarde pas en fait Redressé sur mes deux pieds, je me frottais les vêtements, pour retirer toute la saleté que j’ai pu récolter après mon voyage sur le sol. - J’sais pas, je suis pas resté longtemps ici. La chance que ton regard soit tombée sur ma belle gueule est très mince. Probable mais très mince. Mais bon, j’suis beau alors facile de se rappeler de ma gueule d’ange Est-ce que j’en fais trop ? Possiblement, mais je suis comme ça. Dans l’excès, à vouloir montrer de quel bois je pouvais me chauffer. Et possible qu’elle n’était pas si indifférente à mon charme qu’on pourrait le croire en fin de compte.

Il a hâte que tu te fasses foudroyer. Sympathique. Tu mets ça sur le compte de la rancune, c’est vrai quoi, t’as failli lui rouler dessus. Il a le droit d’être en colère, c’est déjà énorme qu’il ne hurle pas pour ameuter tous les loups du quartier. Et alors que tu es sûrement en faute, tu en rajoutes une couche en le jugeant sur ses précédentes activités. En même temps, tu préfères les mecs qui vont loucher dans les clubs que ceux qui passent à l’acte sans l’consentement des nanas. Aïe, il n'est pas content et .. debout. Le manteau mouillé, il s’époussette jusqu’à ce que les diodes de ton cerveau tordu clignotent. Une impression de déjà-vu te traverse. Ce visage, ses yeux, cette carrure, c’est pas tout neuf. Tu l’as déjà croisé ce mec. « Ça va ? Tes chevilles ne vont pas exploser hein ? » Beaucoup de flatteries dans une tirade. Est-ce qu’il est sérieux ou son seul amour c’est lui-même ? Malheureusement, tu ne vas pas le contredire. Objectivement, il est ca-non. Typé, pas de gras qui débordent ou de double menton de pélican. Le seul bémol, c’est que tu l’as fauché et qu’il y a mieux comme technique pour aborder les gens. « Ah .. Tu n'es pas d’ici » Vouvoiement jeté à la poubelle, l’écart d’âge entre vous ne semble pas gigantesque. Et alors que tu voulais entamer la discussion en rangeant tes griffes, ta voiture fait soudainement une longue marche arrière et disparaît au loin. Ton visage qui se déforme, tu tapes un sprint inutile dans la ruelle et t’arrêtes devant un emballage ramolli par l’humidité de la ville. « C’est une blague ! C’était ton complice ou quoi ? Tout .. Toutes mes affaires sont à l’intérieur » Te retournant vers le brun, tu te précipites vers lui et attrapes son col trop haut perché « C’est un coup monté ? » La veine de ta tempe gauche est sur le point de rompre. La panique enveloppe ton palpitant. Plus de téléphone, plus d’argent pour rentrer avec un bus, plus rien.